Le 14 décembre 2021, dans le cadre du cours « Histoire économique économique et sociale de l’Europe après 1945 »(Programme de Master en Histoire européenne contemporaine, MAHEC-S3-M5iii), Bruno Rossignol (1), directeur de l’Institut de la BEI, responsable du programme « Climat et patrimoine » a fait un exposé sur la Banque Européenne d’Investissement, qui, malgré son importance dans le passé et le présent de la construction européenne demeure un acteur peu connu au public.
L’intervenant s’est d’abord penché sur les objectifs, les méthodes et le fonctionnement institutionnel de la BEI, installée au Luxembourg, sur la plateforme européenne de Kirchberg. Bien que ses activités principales ne soient pas vraiment connues par les citoyens européens, la BEI est un acteur économique et financier essentiel en Europe et dans le monde. Elle est le bras financier de l’Union Européenne (UE) depuis 1958, et sa vocation est d’améliorer la qualité de vie des populations sur le continent européen et bien au-delà. Ainsi, la BEI est devenue le premier bailleur de fonds multilatéraux au monde et le principal fournisseur de financement pour le climat. Elle compte actuellement un effectif de 3500 personnes, majoritairement des spécialistes dans la finance mais aussi des ingénieurs, des économistes et des experts de questions socio-environnementales. Ses 51 bureaux sont répartis sur tous les continents.
La banque fait bénéficier ses clients de prêts munis de conditions avantageuses. Ces prêts sont accordés à des projets et non à des pays. Depuis 1958, plus de 1500 milliards d’euros ont été investis par la BEI afin de financer plus de 14 000 projets dans plus de 160 pays. Jusqu’à aujourd’hui, la banque a mobilisé 4 500 milliards d’euros, qui ont soutenu d’importants travaux d’investissement.
En ce qui concerne la gouvernance, le conférencier explique que la BEI est menée par des organes réunissant des représentants des États membres de l’UE (les États étant aussi actionnaires au capital de la banque). Le Conseil d’investissement valide les projets et approuve leur financement. La BEI est donc une organisation neutre, sans opinion politique. Le capital dont elle dispose est versé par les États membres de l’Union Européenne en fonction du PIB de chaque pays. Le membre le plus récent est la Croatie, tandis que la sortie de la Grande-Bretagne a dû être compensée par des efforts supplémentaires en matière de versement des capitaux par tous les autres États membres.
À côté de la BEI, le Fonds Européen d’Investissement (FEI) joue un rôle essentiel dans la politique d’investissement de l’UE. Ses principaux actionnaires sont la BEI, la Commission européenne et 38 institutions financières publiques et privées. Les financements du FEI sont principalement dédiés aux petites et moyennes entreprises. La BEI et le FEI investissent dans des projets voués à protéger la santé, promouvoir l’emploi, fournir de l’eau potable partout dans le monde, améliorer la qualité du transport publique, développer l’énergie renouvelable, le numérique et les innovations technologiques. L’impact de tels projets se répercute dans le quotidien des citoyens européens d’une manière conséquente, mais assez discrète, ce qui engendre – pour la BEI et le FEI – la nécessité de communiquer davantage autour de leurs activités.
Pour qu’un projet soit « validé » par le Conseil de direction de la BEI, le projet doit passer plusieurs étapes, suivies d’une phase d’instruction lors de laquelle le projet est analysé du point de vue de ses garanties financières, des aspects environnementaux et techniques. La troisième étape est l’approbation du projet – donc de son financement – par le Conseil de direction de la BEI, le Comité d’investissement du FEI et le Conseil d’administration de la BEI. En quatrième lieu, le contrat de prêt est signé entre la banque et le promoteur du projet en question. Puis, c’est le décaissement, le suivi avec les établissements de rapports et, finalement, le remboursement dans un délai convenu qui s’étale de 6 mois à 45 ans (en fonction de l’ampleur du projet).
L’intervenant relève qu’en 2020, les prêts accordés s’élevaient à une somme de 66,1 milliards euros. Ces prêts et investissements répondaient aux 4 principales priorités de la BEI : innovation, environnement, infrastructures, petites et moyennes entreprises. Les financements de la BEI sont indirects, c’est-à-dire qu’elle prête de l’argent à une banque plus petite pour que celle-ci prête enfin aux entreprises, qui ont proposé un projet. La BEI confie la gestion de l’argent à cette banque et vérifie régulièrement si l’argent est bien géré. Les prêts accordés ont généralement des taux d’intérêt faibles qui permettent à la BEI de couvrir ses frais. Les surplus sont reversés aux fonds propres. En 2020, la BEI a prêté 70,0 milliards d’euros en Europe, Amérique, Moyen-Orient et Asie.
Avec la crise du Covid-19, la politique d’investissement de la BEI a changé et s’est orientée massivement vers la reprise économique. Les instruments pour répondre à cette crise sont multiples. La BEI a mis à disposition des fonds pour les entreprises les plus vulnérables et elle a fourni des garanties pour que l’économie ne soit pas trop ralentie. Ces fonds de garantie paneuropéenne sont destinés à libérer des capitaux pour la promotion économique exercée par les banques nationales, les banques locales et les autres intermédiaires financiers, afin que plus de sources de financement soient disponibles en faveur des petites et moyennes entreprises.
La BEI est par ailleurs aussi une « banque en faveur du climat » car ses investissements verts sont très élevés. En 2020 par exemple, ils atteignaient 26 milliards d’euros, De tous les investissements de la BEI, 50% sont destinés à la lutte contre le changement climatique. Les investissements dans l’énergie fossile ont été suspendus et tous les projets, dont les prêts sont accordés, doivent être liés aux accords climatiques de Paris (COP21). Les énergies renouvelables sont favorisées davantage, ainsi que la recherche, le développement et l’innovation. Les financements dans la durabilité environnementale et dans l’efficacité énergétique sont en constante augmentation.
La BEI était en 2020 le principal émetteur des obligations vertes pour financer des projets destinés à la lutte contre le changement climatique. Les obligations vertes sont devenues lors des dernières années des investissements très populaires au sein du marché financier puisque les investisseurs sont à la recherche de projets verts. De cette façon, la BEI contribue également au renforcement de la place financière internationale du Luxembourg, notamment par la synergie relative aux cotations de la « finance verte ».
Comme déjà évoqué, la BEI investit non seulement dans des projets au sein de l’UE mais aussi dans des projets de développement sur tous les continents. En 2020, environ 66,57 milliards d’euros étaient investi dans l’UE et 10,35 milliards d’euros hors l’UE. Ce sont surtout des projets humanitaires à destination de l’Afrique subsaharienne, et l’Amérique latine, ainsi que des pays du Sud et de l’AELE.
Avant de participer à une riche session de questions-réponses, l’intervenant a conclu en soulignant que la BEI est une banque responsable qui s’assure toujours de l’impact environnemental et social des projets soutenus. Toutes les ressources utilisées pour l’accomplissement des projets sont prises en considération, qu’elles soient humaines, technologiques ou naturelles. Des activités économiques sensibles – comme l’industrie de l’armement – sont exclues complètement des investissements. Enfin, la BEI veille au respect de critères strictes en matière de gouvernance, de transparence et de responsabilité, tant pour ses partenaires, que pour ses propres organes et structures.
Anne Schmit
(1) Après ses études en sciences politiques, ainsi qu’un Diplôme d’Études Approfondies (DEA) en histoire contemporaine à Paris, Bruno Rossignol a exercé en tant que journaliste à l’Agence France Presse où il a été responsable pour les rapports économiques couvrant le FMI (Fonds monétaire international), la Federal Reserve et le Trésor américain. Il a rejoint d’abord la BEI en tant que directeur adjoint du Département Communication et, puis, l’Institut de la BEI pour la recherche.